Nous remercions Delphine de nous avoir livré son témoignage.
« Je suis originaire de la rĂ©gion parisienne oĂą mes parents se sont rencontrĂ©s. Mon père est originaire d’Ardèche. Celui-ci Ă©tant policier, on a rĂ©gulièrement dĂ©mĂ©nagĂ©. A 19 ans, j’Ă©tais en fin de première annĂ©e de facultĂ©, mon père m’a dit : ‘Je prends ma retraite, on va vivre en Ardèche. Qu’est ce que tu fais ? Tu viens avec nous ou pas ?’ Je lui ai rĂ©pondu que je n’aurais pas grand chose Ă faire lĂ -bas, ce sur quoi il m’a dit ‘Dans ce cas lĂ , tu prends un appartement, tu as un mois pour trouver quelque chose’. Je l’ai vĂ©cu comme un nouvel abandon et je leur en ai beaucoup voulu. C’est dans ce contexte que je rencontre mon premier amour, un homme mariĂ©. Ça a durĂ© cinq ans. »
La rencontre
« C’Ă©tait en 2008, j’avais vers 24, 25 ans. Je travaillais et je vivais seule : mĂ©tro, boulot, dodo et copines le week-end. J’avais eu une histoire amoureuse qui s’Ă©tait finie l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, mon premier amour. Je rencontre alors cet homme qui deviendra le père de mes enfants et avec qui j’ai Ă©tĂ© mariĂ©e cinq ans. Au dĂ©but, tout est simple, tout est beau, tout est magnifique. Il est gentil. Je rencontre très vite sa famille. Ils me disent que c’est l’homme parfait, qu’il est exceptionnel, qu’il est toujours prĂ©sent, Ă rendre service. Il est albanais et ils sont très famille. Moi, ma famille, je ne l’avais plus donc je venais de rencontrer un homme super avec une famille, c’Ă©tait la double victoire pour moi. »
Le quotidien
« Quand on s’est rencontrĂ©, je devais partir en voyage avec une copine Ă Djerba. Il ne comprenait pas l’intĂ©rĂŞt et il m’a fait passer pour ce que je n’Ă©tais pas en me disant que j’y allais pour du c**. Il continuait en me disant que j’Ă©tais libre mais qu’il prĂ©fĂ©rait que je n’y aille pas j’ai donc annulĂ© mon voyage. Je me suis disputĂ©e avec cette copine et je ne l’ai plus revue.
On vit ensemble et on se marie au bout d’un an de relation. Une fois mariĂ©e, j’apprends de mon mari qu’il a pris de la drogue et qu’il a fait de la prison. Il m’assure que tout est rĂ©glĂ© mais que ses amis lui avait dĂ©conseillĂ© de m’en parler avant le mariage. Je l’aimais donc je dĂ©cide d’accepter ce qu’il me dit et de continuer notre histoire.
Il jouait beaucoup Ă du poker en ligne et un jour, je ne sais pas pourquoi, comment, il a pĂ©tĂ© un plomb, ça a Ă©tĂ© la première fois oĂą il a tentĂ© de m’Ă©tranger. Je lui ai dit : ‘Tu sais quoi ? Je prends mes chats et je me casse’, il m’a rĂ©pondu : ‘Tu vas aller oĂą ?’ Puis il s’excuse et me garantit qu’il ne recommencera pas. C’Ă©tait le premier acte de violence, mais pas le dernier.
Mes parents et ma famille sont loin, je ne vois plus personne, je suis isolée.
Le quotidien se met en place où je ne dois pas regarder les hommes dans les yeux. Quand je suis passagère en voiture, je ne dois pas regarder les passants sinon ce sont des coups de poing dans les genoux. Je suis stressée en permanence, tout ce que je fais est mal, tout est sujet à dispute, à recevoir des coups de poing. »
L’arrivĂ©e des enfants
« Deux ans après notre rencontre, l’horloge biologique se faisant ressentir, je souhaite avoir un enfant. Après une prise en charge mĂ©dicale au niveau des hormones je tombe enceinte. La grossesse se passe bien, je prends peu de poids. Mon fils nait un 23 dĂ©cembre.
Mon fils est nĂ© depuis deux heures et je me fais violemment insultĂ©e. Parce qu’un homme m’a recousu Ă mon accouchement j’Ă©tais une grosse s*****. Mon mari m’a interdit de reprendre la pilule parce que j’Ă©tais une grosse s*****. Je suis retombĂ©e enceinte 20 mois plus tard. J’Ă©tais dĂ©semparĂ©e par cette nouvelle, au vu de ma situation, je ne me voyais pas avoir un deuxième enfant. J’en ai fait part aux professionnels qui me suivaient Ă ce moment-lĂ . Mon mari, avec qui je ne partageais plus rien, n’envisageait pas que j’avorte. Ma fille nait en 2012.
A partir de cette date, c’est la descente aux enfers. J’ai retrouvĂ© de la drogue dans notre appartement, il dealait. S’en suivent des disputes violentes quotidiennes, des insultes… Pendant que j’allaite ma fille, il me tabasse… Il commençait Ă©galement Ă insulter les enfants et les traiter de dĂ©biles parce qu’ils pleuraient. »
La séparation
« Une nouvelle dispute a Ă©clatĂ© en juin 2013, mon mari m’a fait volĂ© Ă travers la pièce, ce qui m’a blessĂ©e au visage et il a ensuite tentĂ© de m’Ă©trangler. Le lendemain matin, il m’a laissĂ©e les clĂ©s de la voiture pour aller faire des courses. Je suis partie avec les enfants et je ne suis jamais revenue. Je n’avais pas imaginĂ© partir de cette manière mais cela s’est fait Ă ce moment-lĂ . »
La reconstruction
Mon frère m’a hĂ©bergĂ©e pendant six semaines. Je lui ai tout racontĂ©, j’avais la sensation que ça m’empĂŞcherait d’y retourner si les gens savaient.
J’ai portĂ© plainte en juillet 2013 et au nom de mes enfants en 2022. J’ai divorcĂ© entre temps. J’ai Ă©galement rencontrĂ© des assistantes sociales et une psychologue qui m’a parlĂ© du groupe de parole de femmes de l’accueil de jour femmes et enfants.
A mon sens, il faut déculpabiliser, laisser le temps au temps et il faut parler de ce qui est arrivé.
Depuis 2015, j’ai rencontrĂ© quelqu’un. Aujourd’hui, nous vivons ensemble et formons une famille recomposĂ©e. »